Elle la vit se dresser, fière et majestueuse, semblable à l’épée de Dieu.
Elle resta allongée, se redressant à peine sur les coudes, pour mieux observer le spectacle. Elle avait chaud, la sueur perlait sur sa peau. Elle rejeta d’un mouvement de tête ses cheveux en arrière, et se laissa retomber.
Fermant les yeux, elle crut avoir rêver. Elle avait toujours espéré vivre un tel moment. Un instant exceptionnel, dont on ne revient pas. Ou, peut-être, mais tellement différent.
Certains le racontent après. D’autres ne le peuvent jamais.
Elle aurait voulu la toucher, la caresser. Y glisser les doigts, sentir un frôlement contre sa paume. Elle savait cependant qu’elle ne contrôlait pas. Ce qui arrivait ne dépendait pas d’elle, elle devait rester immobile et observer. Elle entrouvrit les lèvres, laissant passer un souffle semblable à une prière.
Peut-on flatter ce que l’on ne comprend pas? Elle le souhaitait, et le craignait. Elle voulait voir cette force, cette puissance qui se manifestait. Elle la redoutait. Pourrait-elle la supporter? Comment vivrait-elle ce qui devenait inévitable? Les questions lui traversèrent l’esprit un instant. Très vite, elle céda à l’envie, elle oublia ce qu’elle se demandait, elle se contenta d’observer.
C’était immense. Elle n’avait jamais rien vu de pareil. Elle n’aurait su comment le décrire. Elle n’en ressentait ni gêne, ni honte. Ni espoir non plus. Elle devenait contemplatrice, silencieuse, subjuguée.
Elle se redressa à nouveau, un peu plus. Elle fixa la lame, imaginant un instant comment elle serait transpercée quand elle recevrait le premier coup. Ce serait peut-être le seul, l’unique, le fatal. Celui qui arrache les larmes, et fait pousser des cris. Celui qu’on redoute et par lequel on se laisse emporter. L’excitation – tout autant que la température – faisait durcir ses seins. Ses jambes se mirent à trembler d’impatience. Ses poils se hérissèrent dans un frisson qu’elle sentit à peine. Au rythme de ce qui devenait de plus en plus certain, elle vibrait de tout son corps, lentement, doucement, comme bercée par un mouvement incontrôlable.
Elle tendit la langue, en recevant la première goutte. Elle voulait avoir ce goût dans la bouche, un peu salé, un peu amer. Elle voulait deviner le chemin qu’elles prendraient dans son ventre ou sur son corps, quand elles se feraient plus nombreuses. Elle passa un doigts sur son nombril, le fit glisser sur sa poitrine, vers sa nuque, essuyant une autre goutte fine comme la rosée.
Elle ne contrôlait rien. Elle était soumise, dépendante impatiente. Elle ne pouvait choisir le moment final. Il arriverait, c’était sa seule certitude.
Il y eut un bruit incroyable, comme elle n’en avait jamais entendu. Un hurlement déchirant le ciel, un rugissement, à s’en boucher les oreilles. Elle se mordit les poings. Elle savait que la minute suivante serait la bonne. Elle ne pouvait plus partir, elle n’avait même pas le temps de reculer, et aucun moyen pour repousser, pour éviter ce qui allait se produire.
Alors, elle ouvrit grand les yeux, se pencha en avant, puis bascula sur le dos, pour en profiter pleinement.
La vague, l’immense déferlante, arriva, s’écrasa sur elle, l’engloutissant. On ne retrouva jamais son corps. Le tsunami fut qualifié comme étant le plus meurtrier de mémoire de spécialiste.