Ne pas y aller. Ne pas se mouiller. Vulgaire ? Non, jamais. Consciente insconsciente, sans raison et sans doute. Ne pas pénétrer dans cette vase si noire et si profonde qu'elle m'absorberait. Ne pas s'y noyer.
De l'autre côté il y a la vérité ou le rêve. Le rêve c'est à l'abri des yeux qu'on y a droit. On les ferme, le film peut se dérouler.
Je m'assieds sur ma rive encore humide. Il y a eut la crue. Il ne reste rien que l'eau stagnante. Ce parfum qui vient d'en face ou d'ailleurs. Et ce chien, méchant gardien qui me mord lorsque je tente de passer. A chaque fois que j'ai voulu partir, il a montré les dents, a grogné et m'a arrêtée.
Passer, je veux passer.
Je sais tout, sur tout. J'ai vu tout ce que le monde peut donner à voir, à l'exception de ce qui se tient en face. Si je dois faire un dernier voyage, c'est là que je veux aller. Je demande le droit de choisir le moment. Plusieurs fois j'ai voulu, mais maudit chien ! qui de ses dents et son regard m'a stoppée. Jamais je n'ai pu finir ma traversée.
Je reste assise là. Je fixe calmement un point sur l'autre rive. Je n'ai plus rien à attendre d'ici. Je prends une ultime inspiration. Je ferme les yeux.
Le chien semble assoupi.
Je me lève.
Et j'avance.